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Eros

Eros est le mot grec pour (surtout) amour romantique ou « sexuel ». Le terme érotique est dérivé d’eros.

Dans la psychologie freudienne, l’Éros, également désigné en termes de libido, d’énergie libidinale ou d’amour, est l’instinct de vie inné chez tous les humains. C’est le désir de créer de la vie et favorise la productivité et la construction. Eros se bat contre l’instinct de mort destructeur de Thanatos (instinct de mort ou pulsion de mort).

Dictionnaire

Dans la Grèce antique, le mot Éros désignait l’amour et le dieu de l’amour.

Dans sa théorie finale des pulsions, Sigmund Freud a fait de l’Éros un concept fondamental se référant aux instincts de vie (narcissisme et libido d’objet), dont les objectifs étaient la préservation, la liaison et l’union de l’organisme en unités de plus en plus grandes.

Eros l’unificateur s’oppose à l’instinct de mort, une force antagoniste conduisant à la destruction, à la désintégration et à la dissolution de tout ce qui existe.

« De cette façon, la libido de nos instincts sexuels coïnciderait avec l’Éros des poètes et des philosophes qui tient tous les êtres vivants ensemble. »

Le terme Éros, compris comme un instinct de vie antagoniste à l’instinct de mort, est apparu pour la première fois dans Au-delà du Principe de plaisir, où Freud l’a utilisé pour établir une polarité dynamique qui définirait un nouveau dualisme instinctif.

Freud a écrit:

Nos spéculations ont suggéré que l’Éros opère depuis le début de la vie et apparaît comme un « instinct de vie » en opposition à « l’instinct de mort » qui a été mis en place par la venue à la vie d’une substance inorganique. Ces spéculations cherchent à résoudre l’énigme de la vie en supposant que ces deux instincts étaient aux prises l’un avec l’autre dès le début.

Dans cet essai, Freud se réfère à la doctrine du médecin et philosophe grec Empédocle d’Agrigente (v. 490-430 avant notre ère.), pour qui la production de toutes choses résulte de l’interaction de deux forces, l’Amour et la Discorde, conçues comme des forces impersonnelles d’attraction et de répulsion.Pourtant, l’innovation théorique de Freud est plus que les pures spéculations de la philosophie, de la biologie ou de la physique. La révision de ses concepts a été demandée par son expérience dans la pratique psychanalytique. Il postule au sein de l’organisme un masochisme primitif dérivé de l’action de l’instinct de mort pour rendre compte de certains problèmes cliniques: ambivalence dans la vie affective, cauchemars associés à la névrose traumatique, au masochisme et aux réactions thérapeutiques négatives.

Les utilisations du terme Éros par Freud (86 des 88 occurrences, selon la Concordance de Guttman) sont contemporaines de sa théorie finale des instincts développée après 1920. Le mot lui-même, avec ses multiples significations, a permis à Freud de combiner beaucoup de choses qu’il avait auparavant séparées et contrastées: l’amour entre les sexes, l’amour de soi, l’amour pour ses parents ou ses enfants, « l’amitié et l’amour entre les hommes en général », « la dévotion aux objets concrets et aux idées abstraites » et les pulsions sexuelles partielles (instincts composants). Ce concept élargi de l’amour a conduit Freud à évoquer, à plusieurs reprises (1920g, 1921c, 1924c, 1925e), « l’Éros tout compris et tout préservé du Symposium de Platon. »

Bien que le concept d’Éros, à proprement parler, ait émergé tardivement dans l’œuvre de Freud, cela ne l’a pas empêché de prétendre que toutes ses découvertes antérieures sur la sexualité peuvent être vues en termes d’Éros. La psychanalyse a montré que la sexualité ne cachait pas  » une impulsion vers une union des deux sexes ou vers la production d’une sensation agréable dans les organes génitaux », et que la sexualité était donc différente de la génitalité.

Bien que le terme Eros n’apparaisse pas dans les textes originaux, deux notes, l’une de 1925 dans L’Interprétation des Rêves (1900a) et l’autre de 1920 dans Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité (1905d), renforcent l’utilisation d' »Eros » comme synonyme de « sexuel » dans la découverte de la psychanalyse: « La situation serait différente si le terme « sexuel » était utilisé par mes critiques dans le sens où il est maintenant couramment employé chez les psychanalystes — dans le sens d' » Eros » » (1900a, note 1925, p. 161). Freud a même justifié son omission d’utiliser le mot plus tôt: « Quiconque considère le sexe comme quelque chose de mortifiant et d’humiliant pour la nature humaine est libre d’utiliser les expressions plus distinguées « Eros » et « érotique. »J’aurais pu le faire moi-même dès le premier et m’épargner ainsi beaucoup d’opposition. Mais je ne voulais pas, car j’aime éviter les concessions à l’évanouissement. On ne peut jamais dire où cette route peut nous mener ; on cède d’abord dans les mots, puis peu à peu dans le fond aussi  » (1921c, p. 91). Les occurrences des termes « Eros » (après 1920) et « érotisme » (après 1894) se chevauchent dans les écrits de Freud sans jamais quitter le champ de la sexualité.

Freud a très tôt reconnu le caractère érotique des représentations refoulées qui sont au cœur des symptômes névrotiques. Il cite  » le cas d’une fille qui s’en voulait parce qu’alors qu’elle soignait son père malade, elle avait pensé à un jeune homme qui lui faisait une légère impression érotique  » (1894a, p. 48), et qui est alors contraint de traiter cette représentation non désirée de nature sexuelle comme si elle n’avait  » jamais eu lieu. »Freud a conçu le conflit mental comme un conflit moral dans lequel le fauteur de troubles Éros suscite des problèmes sous la forme d’un symptôme. Il a vu la sexualité comme un traumatisme qui va bien au-delà des scènes bien connues de séduction sexuelle. Eros force l’ego à se défendre et participe ainsi à la division et à la fragmentation de la psyché. Les représentations érotiques réprimées reviennent plus tard sous la forme de symptômes ou de formations de compromis qui se substituent à l’activité sexuelle ou « précipitent des expériences antérieures dans la sphère de l’amour » (1910a, p. 51). De tels cas d’amour différé ou avorté sont éloignés de l’attirance sexuelle et de l’activité génitale. La sexualité existe dès l’enfance, est fondamentalement perverse et polymorphe et consiste en un faisceau de pulsions sexuelles partielles qui recherchent la satisfaction indépendamment les unes des autres, de manière autoérotique. La pulsion orale, par exemple, est vue comme une bouche qui s’embrasse elle-même.

La note de bas de page de 1920 dans Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité se référant rétroactivement à Éros (1905d, p. 266n) sert les intérêts théoriques de Freud: reconnaître la sexualité infantile comme quelque chose de distinct de la génitalité, souligner la nature diphasique de la vie sexuelle et donner au concept de pulsions un statut mythique, d’apparence infantile et dominé par une quête continue et insatiable. Ici, Eros semble entrer en conflit avec l’instinct de conservation de l’ego. Le complexe d’Œdipe détermine l’issue de ce conflit à travers les possibilités qu’il offre pour orienter la libido vers un objet sexuel (qui n’est plus seulement sexuel) au moyen du phallus. Le complexe d’Œdipe est chargé de veiller à ce que le sujet soit satisfait dans l’amour après la réorganisation à la puberté, lorsque les pulsions partielles (instincts constitutifs) sont enrôlées au service d’un appareil génital organisé. A défaut, le sujet tombera malade à moins qu’un objet alternatif ne soit trouvé par sublimation.L’éros n’est pas seulement une cause de symptômes, mais peut également devenir le moyen de les soulager. Le modèle théorique de l’Éros en tant que guérisseur est magnifiquement illustré dans les Illusions et les Rêves dans « Gradiva » de Jensen (1907a).

L’amour a également été au centre de l’expérience psychanalytique dès sa découverte initiale par transfert. Au milieu du développement de la psychanalyse (1912-1915), l’hommage à l’amour dans les Délires et les Rêves se heurterait à ses limites dans une théorie du transfert, qui montre l’amour pour soutenir la résistance au souvenir, et donc à l’analyse. De plus, Freud a découvert dans les cas d’impuissance sexuelle d’origine psychologique qu’un conflit existe entre le « courant affectueux » et le « courant sexuel »: « Là où ils aiment, ils ne désirent pas, et là où ils désirent, ils ne peuvent pas aimer » (1912d, p. 183). Ce texte anticipe les commentaires de Freud dans « Sur le narcissisme: Une introduction » (1914c). Dans ce texte, Freud voyait la libido narcissique en conflit avec l’amour érotique de l’objet: Narcisse contre Éros. L’ego revendique une place parmi les objets sexuels, et les instincts de conservation de soi ont une nature libidinale. Ce qui distingue l’Éros, c’est son lien avec les objets: « Un égoïsme fort est une protection contre la maladie, mais en dernier ressort, nous devons commencer à aimer pour ne pas tomber malades, et nous sommes obligés de tomber malades, si, par suite de la frustration, nous sommes incapables d’aimer » (1914c, p. 85).

Au-delà du Principe de plaisir (Freud, 1920g) a renversé ces constructions antérieures. La théorie de l’instinct de mort, qui fonctionnait en silence, obligeait Freud à combiner les instincts de l’ego et les instincts sexuels dirigés vers des objets, les regroupant sous l’égide d’une seule force dont le but était l’union: l’Éros. Un tel Éros n’est plus un fauteur de troubles, un agent de division qui perturbe l’appareil mental. C’est le pouvoir de la création, de la reproduction ; il rend possible l’existence et reporte le retour à un état inorganique. En discutant des instincts sexuels qui préservent la vie (libido de l’objet et ego), Freud fait explicitement référence au mythe d’Éros relaté par Aristophane dans le Symposium de Platon. Mais les instincts de vie et de mort entrent rarement en jeu isolément: Ils forment divers amalgames dans lesquels chacun tente d’utiliser la force de l’autre à son propre avantage. Freud montre que le masochisme moral, par exemple, « devient une preuve classique de l’existence de la fusion de l’instinct. Son danger réside dans le fait qu’il provient de l’instinct de mort et correspond à la partie de cet instinct qui a échappé à être tournée vers l’extérieur comme un instinct de destruction. Mais puisque, d’autre part, il a la signification d’une composante érotique, même la destruction de lui-même par le sujet ne peut avoir lieu sans satisfaction libidinale  » (1924a).Dans le dernier ouvrage de Freud, c’est comme si le scandale de la découverte de la sexualité était déplacé au profit de l’innovation théorique de l’instinct de mort. Éros en tant qu’incarnation du mythe d’Aristophane ou des théories d’Empédocle semble prendre le dessus sur Éros en tant qu’incarnation du désir, un Éros dont la naissance est donnée dans le mythe raconté par Diotima dans le Symposium.

Jacques Lacan distance, sans complètement séparer, l’amour et le désir (Eros). L’amour est le mirage dans lequel le désir est pris. Le phallus est le point d’appui entre l’objet qui suscite le désir et la partie du sujet, moins le langage, perdue à jamais.  » Aimer, c’est donc donner ce qu’on n’a pas, et on ne peut aimer qu’en faisant comme si on n’avait pas, même si on le fait  » (Lacan, 1991).

Voir aussi

  • Animus-Anima (psychologie analytique)
  • Au-delà du Principe de Plaisir
  • Liaison/délire des instincts
  • Civilisation et Ses Mécontents
  • Pulsion/instinct
  • Amour génital
  • romantisme et psychanalyse allemands
  • Libido
  • Instinct de vie (Eros)
  • Marcuse, Herbert
  • Mythe
  • Sexualité
  1. Freud, 1920g, p. 50
  2. 1920g
  3. p. 61
  4. 1925e, p. 218
  5. 1925e, p. 218
  1. Freud, Sigmund. (1894a). Les neuro-psychoses de la défense. SE, 3:41-61.
  2. –. (1900a). L’interprétation des rêves. SE, 4:1-338]]
  • ). Délires et rêves dans « Gradiva » de Jensen. »SE, 9:1-95.
  • –. (1914c). Sur le narcissisme: Une introduction. SE, 14:67-102.
  • –. (1920g). Au-delà du principe de plaisir. SE, 18:1-64.
  • –. (1921c). Psychologie de groupe et analyse de l’ego. SE, 18:65-143.
  • –. (1924a). Lettre au Disque Vert. SE, 19:290-290.
  • –. (1924b). Névrose et psychose. SE, 19:147-153.
  • –. (1924c). Le problème économique du masochisme. SE, 19:155-170.
  • –. (1925e). Les résistances à la psycho-analyse. SE, 19:211-222.
  • Lacan, Jacques. (1991). Le séminaire. Livre 8 : Le transfert. Paris : Seuil.

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