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Six comédies françaises à voir

Bon nombre des meilleurs succès du box-office en France sont peu connus aux États-Unis et la plupart ont été des comédies. Bien que certains d’entre eux aient été refaits par Hollywood (pensez à The Birdcage en 1996, Dinner for Schmucks en 2010 ou The Upside en 2017), les remakes sont rarement aussi bons que les originaux. Les versions en langue anglaise ne capturent pas non plus les saveurs uniques de « la douce France ». » Regarder une comédie française nous permet de nous immerger dans les paysages culturels d’un peuple qui a vécu des siècles d’histoire et de pensée européennes. Cela nous donne l’occasion d’apprécier ce qui rend l’humour gaulois si français et de comprendre pourquoi une grande partie de celui-ci est universel. Qu’on ait besoin ou non de sous-titres pour savourer les subtilités du dialogue, regarder une comédie française nous rapproche des gens à l’écran et dans le public. Nous oublions les frontières qui divisent et rions ensemble.

Les six titres suivants illustrent la tradition française de l’humour filmé. Ils offrent certains des moments les plus célèbres – et les plus drôles — du répertoire comique. Étant français, ils illustrent également comment l’esprit national trouve la philosophie et la politique dans les gags visuels et verbaux.

1. L’Arroseur arrosé (1885)

Jetez un coup d’œil à L’arroseur arrosé (L’arroseur arrosé), sans doute la première comédie de l’histoire du cinéma. Réalisée par les frères Lumière à l’aube du cinéma, elle montre un jardinier moustachu arrosant ses plantes tandis qu’un garçon espiègle se faufile par derrière et marche sur le tuyau. Lorsque le flux s’arrête et que le jardinier inspecte la buse, le garçon lève le pied et le pauvre homme a le visage plein d’eau. La scène se termine avec l’auteur capturé et dûment saupoudré en retour. Le gag entier prend moins d’une minute, tourné avec une course continue de la caméra: une leçon succincte sur la façon de raconter une blague sur film. Aucune traduction requise.

2. La liberté pour nous (1931)

Au fur et à mesure que le cinéma muet s’allongeait et mûrissait, René Clair devint le pionnier du genre. Clair a filmé un certain nombre de farces de scène populaires avant de s’aventurer dans le son, mais son travail le plus créatif est resté plus visuel que verbal. Vous pouvez le voir dans son chef-d’œuvre, Freedom for Us (À nous la liberté). Bien qu’il s’agisse avant tout d’une comédie, d’une comédie musicale, le film de Clair offre une critique acerbe du travail mécanisé. Une scène montre des ouvriers se déposant dans une usine comme des automates. Ils poinçonnent à d’énormes horloges et prennent place sur une longue chaîne de montage, chaque ouvrier ajoutant une vis ou un boulon à la bande transporteuse des produits. Le silence déprimant de cette scène se transforme en confusion hilarante lorsque le mouchoir d’une dame bouleverse le régime. Préoccupé par le mouchoir, un ouvrier rate un pas, un autre suit, et toute la ligne bascule dans le chaos comme une pile de dominos. Quiconque a vu Modern Times (1936) de Charlie Chaplin remarquera des parallèles avec la liberté pour Nous, non seulement dans la façon dont les deux réalisateurs représentent la modernité comme un tapis roulant, mais aussi dans la façon dont leurs gags visuels véhiculent leurs thèmes. La comédie est un antidote à l’exploitation, un moyen de libérer l’esprit humain de l’oppression.

3. Les Vacances de M. Hulot (1953)

L’héritier le plus connu de cette tradition de l’humour luddite français est Jacques Tati, qui a porté l’humour visuel des films muets jusque dans les années 1970.Les comédies de Tati sont des satires, mais plus légères que celles de Clair. Elles sont remplies de moments de slapstick qui semblent impromptus mais sont méticuleusement chronométrés. Dans Les Vacances de Monsieur Hulot, Tati incarne le personnage-titre, un Français aimable mais maladroit qui suit la foule des vacanciers dans une station balnéaire. À la gare, un haut-parleur annonce l’arrivée du prochain train. La voix désincarnée est inintelligible, même pour un Français, mais elle envoie la foule se précipiter d’un quai à l’autre – pour manquer l’arrivée du train sur la voie qu’ils viennent de quitter. Une deuxième annonce les envoie tous se précipiter sur une autre piste, où ils tombent sur leurs bagages et tentent l’un l’autre de monter à bord. C’est un autre exemple de la vie moderne et de son habitude de transformer les humains en machines. Pas étonnant que les intellectuels français se soient tournés vers Henri Bergson pour ses théories du rire. Bergson croyait que nous rions lorsque les gens se comportent comme des objets insensés, tombant sur des pelures de bananes ou agissant comme des robots pendant les trajets quotidiens. Au cœur de cette comédie se trouve une anxiété liée au libre arbitre, au déterminisme et à la nécessité de s’adapter à un monde en mutation. Tati a poursuivi ses expériences de slapstick métaphysique avec des films comme Mon oncle (Mon oncle, 1958), Play Time (1967) et Traffic (Trafic, 1971), plaçant ses satires dans les grands magasins, les villes de verre et l’autoroute moderne.

4. Les Folles Aventures de Rabbi Jacob (1973)

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Toutes les comédies françaises ne sont évidemment pas philosophiques. Les Aventures de Rabbi Jacob (Les Aventures de Rabbi Jacob) est une longue scène de poursuite ridicule. Le réalisateur Gérard Oury envoie son protagoniste, un bigot sans vergogne nommé Pivert, à travers une série d’épisodes fous qui incluent une usine de chewing-gum et un mariage juif. Poursuivi par des terroristes arabes et la police française, Pivert ne s’échappe qu’en se faisant passer pour un rabbin. Il devient antisémite en habit hassidique. Oury, qui était juif, sous-estime la morale en faveur des rires. La scène de la danse juive est tout simplement tumultueuse.

5. The Visitors 1993

Parfois, la chasse s’étend sur des siècles et des kilomètres. Les Visiteurs de Jean-Marie Poiré est une comédie de voyage dans le temps qui transporte un chevalier médiéval et son serviteur dans la France d’aujourd’hui. La collision comique de l’ancien et du nouveau commence lorsque les visiteurs médiévaux rencontrent un camion de service postal jaune, confondant son chauffeur à la peau foncée avec un Sarrasin. Ils dégainent leurs armes et attaquent la camionnette comme s’il s’agissait du char du diable. Plus tard, introduits dans une salle de bain contemporaine, ils prennent les toilettes pour une fontaine magique et versent toute la réserve de parfum du canal n ° 5 de leur hôte dans la baignoire, dans laquelle ils entrent entièrement vêtus. Bien que la comédie de Poiré soit souvent idiote et dérivée — un galop à travers les clichés du slapstick, du burlesque et des one-liners —, elle est fermement ancrée dans l’histoire et la culture nationales. Certains téléspectateurs ont établi des parallèles entre les Sarrasins du 12ème siècle et les musulmans du 21ème siècle en tant qu’ennemis supposés de la France. D’autres considéraient la relation entre noble et serviteur comme un commentaire sur les distinctions de classe en France.

6. Welcome to the Sticks (2008)

Les Visiteurs ont établi des records au box-office et ont été suivis de deux suites, mais Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon est devenu un succès encore plus grand. La bande-annonce met en évidence la prémisse comique du film: la réputation de la région du nord de la France comme un lieu de temps glacial, de déclin économique et de citoyens grossiers qui boivent trop, mangent des aliments étranges et parlent une version de la langue inintelligible aux étrangers. Lorsque Phillipe est transféré dans le Nord-Pas-de-Calais, tous ces stéréotypes sont confirmés. Dès que Phillipe arrive, habillé pour l’arctique, ça commence à couler. Le premier homme qu’il rencontre parle français comme un canard noyé. Son premier repas est une concoction effrayante de café lacé de chicorée, de saucisses épicées et de fromage malodorant. Ce qui rend ce mélange de clichés régionaux drôle, plutôt qu’offensant, c’est la façon dont Boon tourne la table sur sa propre prémisse.

Certains théoriciens voient ce genre d’incongruité comique comme le pivot de la plupart des humoristes. La blague met en place un ensemble d’attentes et les minimise avec une série d’inversions. Les bons citoyens de Bergues de Boon, par leurs actes de caricature outrancière, tiennent jusqu’au ridicule les stéréotypes perpétués par les étrangers. C’est une leçon que nous pouvons tirer de presque toutes les comédies.

Certains pourraient dire que tourner des tables est l’essence de la plupart des humoristes. Une blague typique met en place une attente, puis la contre-attaque avec un renversement surprenant. Cette incongruité comique abonde dans les six films. Un arroseur est saupoudré. Un antisémite finit par danser comme un rabbin. Un serviteur médiéval apprend que ses descendants sont devenus seigneurs du manoir. Les bons citoyens du nord de la France, par leurs actes d’auto-caricature scandaleuse, tiennent les stéréotypes perpétués par les étrangers jusqu’au ridicule. C’est une leçon que nous pouvons tirer de presque toutes les comédies.

Image présentée par Paul Dufour via Unsplash

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