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Minéral osseux: de nouvelles informations sur sa composition chimique

Identification des ions HPO4−2 dans le minéral osseux

La détection directe par résonance magnétique nucléaire à l’état solide (ssNMR) des protons localisés dans le minéral osseux à partir d’un échantillon de tissu osseux intact n’est pas possible. Ceci est dû à la présence de la matrice organique extracellulaire dont les différents signaux dominent le spectre ssNMR à impulsion unique (SP) 1H d’un échantillon de tissu osseux 54. Cependant, la possibilité de révéler des proximités spatiales à l’échelle atomique entre les noyaux d’hydrogène et de phosphore dans l’expérience ssNMR à corrélation hétéronucléaire (HetCor) bidimensionnelle (2D) {1H} 31P permet de sonder les environnements d’hydrogène minéral osseux grâce à l’analyse de la dimension F1 (Fig. 1 BIS). Malheureusement, cette expérience prend du temps et donne lieu à une projection en 1H de la dimension verticale (F1) avec un rapport signal sur bruit (S/N) relativement faible et une faible résolution numérique (Fig. 1B). Pour surmonter ces limitations, nous avons utilisé l’expérience ssNMR à double polarisation croisée (CP) unidimensionnelle (1D) {1H-31P} 1H. Il consiste en un double transfert CP effectué de manière « aller-retour » (1H→31P→1H) (Fig. S1). Tout d’abord, cette expérience nous a permis d’obtenir des spectres ssNMR 1H filtrés en 31P d’un minéral osseux à partir d’un échantillon de tissu osseux cortical intact de mouton âgé de 2 ans avec un excellent S/N malgré un temps d’acquisition relativement court (soit 9 heures) (Fig. 1C, D). Les différents environnements chimiques 1H du minéral osseux sont maintenant facilement observables et peuvent être analysés en toute sécurité avec précision. En ce qui concerne le coeur cristallin interne des particules minérales osseuses, les ions hydroxyles présents dans le réseau cristallin de l’hydroxyapatite sont observés sous la forme d’une résonance complexe centrée à δ(1H) = 0,0 ppm. En ce qui concerne leur couche superficielle amorphe, les molécules d’eau structurales et les espèces de phosphates acides présentes dans les milieux non apatitiques sont observables sous la forme d’une résonance unique centrée à δ(1H) = 5.2 ppm et une résonance large allant de δ(1H) = 7 à 17 ppm32, respectivement.

Figure 1
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Détection d’espèces contenant de l’hydrogène dans le minéral osseux. Spectres de résonance magnétique nucléaire à l’état solide (ssNMR) de spinning d’angle magique basé sur la polarisation croisée 1H-31P (CP) d’un échantillon de tissu osseux de mouton sec de 2 ans. (A) spectre de corrélation hétéronucléaire (HetCor) bidimensionnel (2D) {1H} 31P (temps de contact, tCP = 1000 µs). L’intensité du signal passe du bleu au rouge. (B) projection en 1H de la dimension verticale (F1) du spectre HetCor 2D {1H} 31P représenté en (A). {1H-31P} 1H spectres MAS double CP enregistrés avec les temps de contact suivants : (C) tCP1 = tCP2 = 1000 µs; et, (D) tCP1 = tCP2 = 15000 µs. Le temps expérimental total était le même dans chaque expérience (c.-à-d., 9 heures).

Deuxièmement, cette expérience permet d’étudier la dynamique des CP détectées au 1H pour révéler sélectivement la nature des noyaux 1H à proximité des noyaux 31P. A cet effet, le temps de contact 1 (tCP1) a été maintenu fixé à 1000 µs, tandis que le temps de contact 2 (tCP2) a été varié de 75 µs à 1000 µs (Fig. 2). On observe une augmentation uniforme de l’aimantation à la fois pour les résonances centrées à δ(1H) = 0,0 et δ (1H) = 5,2 ppm (voir les traits pointillés noirs), précédemment attribuées aux ions OH− et aux molécules structurales H2O selon leur déplacement chimique RMN 1H respectif. En revanche, l’évolution du signal large dans la plage de δ(1H) = 7-17 ppm montre initialement une augmentation rapide de son aimantation (jusqu’à tCP2 = 300 µs) et est suivie de la présence d’un comportement oscillatoire (jusqu’à tCP2 = 1250 µs – voir la ligne en pointillés noirs). Ce comportement oscillatoire est caractéristique des oscillations dipolaires (DP-H) 1H-31P55,56. L’ajustement des spectres ssNMR {1H-31P}1H correspondants à divers tCP2 n’est pas simple en raison du chevauchement de diverses résonances. Alors que les échantillons synthétiques d’HA présentent généralement une résonance OH symétrique 32; nous montrons ici que la résonance OH du minéral osseux est particulièrement complexe et peut être ajustée comme suit : un pic principal à δ(1H) = 0,0 ppm entouré de deux pics d’épaules à δ (1H) = -0,7 et 0,9 ppm (Fig. S3). La résonance structurale résiduelle de l’eau peut être correctement équipée d’un seul pic centré à δ(1H) = 5,2 ppm (Fig. S4). En revanche, le signal large des espèces de phosphates acides observables dans la plage de δ(1H) = 7-17 ppm ne peut pas être équipé de manière satisfaisante d’un seul pic de position et de largeur de ligne fixes, en particulier à des temps de contact courts (voir les meilleurs résultats d’ajustement pour les différentes valeurs de tCP2 à la Fig. S4 – colonne de gauche). Cependant, les résultats de montage sont précis lorsque deux pics différents sont utilisés avec des positions fixes et des largeurs de ligne fixes (6,2 ± 0,1 et 5,0 ± 0,1 ppm, respectivement) (Fig. S4 – colonne de droite). Nous ne pouvons pas prétendre que ce signal large est uniquement composé de deux pics correspondant à deux environnements protoniques distincts, mais il est probablement composé d’une large distribution d’environnements chimiques conduisant à une distribution des déplacements chimiques RMN. En conséquence, Fig. La figure 3A montre les quatre pics qui ont été utilisés pour analyser les spectres ssNMR 1H filtrés en 31P du minéral osseux pour chaque valeur de tCP2 : (i) un pic composite centré à δ(1H) = 0,0 (violet) et un seul pic centré à δ (1H) = 5,2 (gris) ppm, tous deux caractérisés par une croissance relativement lente et uniforme de leurs magnétisations; et (ii) deux pics à δ(1H) = 9,8 (bleu) et 14,0 (vert) ppm affichant tous deux des oscillations dipolaires (Fig. 3B). En ce qui concerne ces deux derniers pics, la correspondance précise du profil Hartmann-Hahn (H-H) (Fig. S2) permet de modéliser numériquement les courbes d’accumulation de CP selon le modèle de paire de spin unique tenant compte des oscillations dipolaires résultant d’un transfert de polarisation cohérent et de l’impact de la diffusion de spin 1H57 :

{{\rm{M}}({\rm{t}}) = {{\rm{M}}}_{0}.\exp(-\, {{\rm{t}}}_{{\rm{CP}}}/{{\rm{T}}}_{1{\rm{\rho }}}({}^{{\ rm{1}}} {\rm{H}})). et la position des ions hydroxyle dans F1 ont été additionnées. (C) Spectre 1D 31P CP MAS ssNMR (tCP = 1000 µs) d’un échantillon de phosphate octacalcique synthétique (OCP). P1 à P6 correspondent aux six groupes phosphates différents présents dans le réseau cristallin OCP selon les travaux de Davies et al.60. La ligne pointillée rouge marque la résonance la plus intense dans le signal d’OCP qui n’est pas détectée dans le minéral osseux (B).

Quantification des ions HPO4−2 dans le minéral osseux

La quantification des ions HPO42 présents dans le minéral osseux a été entreprise. A cet effet, la forme de ligne et la largeur de ligne des signaux RMN 31P individuels des OH− et PO43- contenant un noyau cristallin interne et des environnements H2O et HPO42 – contenant des environnements non apatitiques (couche superficielle amorphe) qui ont été révélés à la Fig. 4B, ont été utilisés dans l’ajustement du spectre ssNMR MAS quantitatif 31P à impulsion unique (SP) d’un échantillon de tissu osseux de mouton frais de 2 ans (Fig. 5 BIS). La proportion molaire d’ions HPO42− et PO43− dans le minéral osseux s’est avérée être d’environ 50/50 ± 5 %. Comme le suggèrent nos observations sur les figures S9 et S10, ce calcul a été effectué en supposant que la proportion molaire d’ions HPO42− dans le noyau cristallin interne des particules était proche de 0%. Une telle proportion molaire élevée d’ions HPO42− présents dans la couche superficielle amorphe reflète la petite taille des particules minérales osseuses: ∼1-5 nm d’épaisseur, ∼10-40 nm de largeur et ∼20-100 nm de longueur1,61, 62, 63. Comme nous avons montré que les ions HPO42-sont concentrés dans la couche superficielle amorphe, nous pouvons maintenant estimer l’épaisseur moyenne de cette couche pour un échantillon de tissu osseux de mouton âgé de 2 ans. On considère ici une plaquette nanosisée d’une épaisseur de 4,0 nm, et on suppose que les densités d’atomes de phosphate présents dans le réseau cristallin de l’hydroxyapatite et dans la couche superficielle amorphe sont équivalentes. Dans un tel scénario, l’épaisseur du noyau cristallin interne est d’environ 2,4 nm (i.e., qui est environ deux fois la taille de la cellule unitaire hexagonale d’hydroxyapatite 64 selon les axes cristallographiques a et b ; a = b = 0,94 nm) ; tandis que l’épaisseur de la couche superficielle amorphe externe peut être estimée à environ 0,8 nm (c’est-à-dire qui correspond alors à la taille de la cellule unitaire hexagonale d’hydroxyapatite selon a et b, et donc équivaut à l’empilement de seulement deux ions phosphate). Il faut savoir que ce sont des valeurs moyennes qui correspondent à la somme des contributions de tous les ions phosphate inorganiques présents dans notre échantillon de tissu osseux de mouton âgé de 2 ans. Ces résultats pourraient être différents pour les échantillons plus anciens dans lesquels la proportion des environnements non apatitiques pourrait être moindre 65 en raison de la maturation minérale osseuse: la transformation progressive de la couche superficielle amorphe en environnements apatitiques15. Néanmoins, l’épaisseur de la couche superficielle déterminée ici (0,8 nm) est en bon accord avec les tailles estimées proposées dans certaines études précédentes : environ la taille d’une unité phosphate dans les mésocristaux fluorapatite-gélatine 66 ; et environ 1-2 nm dans les hydroxyapatites synthétisées32,67,68.

Figure 5
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Quantification des ions HPO42 et CO32 présents dans le minéral osseux. (A) Spectre quantitatif de résonance magnétique nucléaire à l’état solide (ssNMR) d’un échantillon de tissu osseux de mouton frais de 2 ans (ligne bleue) et de son ajustement correspondant (ligne pointillée rouge) avec deux pics. Ces deux pics, dont la forme et la largeur de ligne ont été révélées à la Fig. 4B, correspondent au noyau cristallin interne PO43- sous forme d’hydroxyapatite (pic orange) et au milieu non apatitique HPO42- sous forme de couche superficielle amorphe (pic violet). (B) Spectre infrarouge à transformée de Fourier (FT-IR) du mode de vibration ν2 (CO3) pour un échantillon de tissu osseux de mouton âgé de 2 ans (ligne bleue) et son ajustement correspondant (ligne pointillée rouge). Les ions CO32 de type B occupent les sites PO43 dans le réseau cristallin de l’hydroxyapatite; les ions CO32 de type A occupent les sites OH dans le réseau cristallin de l’hydroxyapatite; alors que du CO32 non apatitique – sont présents dans la couche de surface amorphe qui recouvre les particules minérales osseuses.

Mise à jour sur la composition chimique des minéraux osseux

Les résultats présentés ici et ailleurs 45 suggèrent que la composition chimique moyenne des minéraux osseux corticaux matures proposée par Legros et al.27, Ca8.3□1,7 (PO4) 4,3 (HPO4 ou CO3) 1,7 (OH ou ½ CO3) 0,3□1,7, doit être réexaminé. En effet, cette formule ne tient pas seulement compte de la présence de la couche superficielle amorphe dont la composition chimique varie fortement par rapport aux environnements apatitiques présents dans le noyau cristallin interne des particules, mais sous−estime également la proportion molaire d’ions HPO42-. Pour proposer une formule à jour de notre échantillon de tissu osseux de mouton âgé de 2 ans, nous devions d’abord déterminer la proportion pondérale d’ions CO32−. Une valeur de 4,8% avec une contribution majeure dans les carbonates de type B a été trouvée grâce aux analyses FT-ir49 (Fig. 5B), qui est conforme aux valeurs trouvées pour d’autres échantillons de minéraux osseux 3. De plus, les paramètres suivants ont été pris en compte: (i) les particules doivent rester électriquement neutres (à la fois le noyau cristallin interne et la couche superficielle amorphe); (ii) la proportion molaire d’ions HPO42− par rapport à la quantité globale d’ions phosphate inorganiques est contrainte de près de 50% selon la présente étude; (iii) le degré de carbonatation doit être proche de la valeur expérimentale (4,8% p / p); (iv) le rapport molaire global Ca / (P + C) doit rester acceptable pour un échantillon de tissu osseux, i.e. dans la plage de 1,2 à 1,53 et, enfin, (v) la proportion d’ions carbonate de type A, de type B et non apatitiques présents dans la couche superficielle amorphe doit rester conforme aux données FT-IR. Une fois que toutes ces contraintes ont été amalgamées, la composition chimique moyenne du minéral osseux cortical mature de notre échantillon de tissu osseux de mouton âgé de 2 ans peut être approchée comme suit: Ca7.5 (PO4) 2.8 (HPO4) 2.6 (CO3) 0.6 (OH) 0,2. Il convient de noter que cette composition chimique moyenne correspond uniquement à notre échantillon de tissu osseux spécifique selon nos propres résultats expérimentaux. Cette formule n’est donc pas universelle puisque la variabilité se produit entre les spécimens osseux en fonction notamment de l’espèce, de l’âge, de l’approvisionnement alimentaire et de leur degré de maturation.

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