Distinction génotype-phénotype
Selon Lewontin, la tâche théorique de la génétique des populations est un processus dans deux espaces: un « espace génotypique » et un « espace phénotypique ». Le défi d’une théorie complète de la génétique des populations est de fournir un ensemble de lois qui mappent de manière prévisible une population de génotypes (G1) à un espace phénotypique (P1), où la sélection a lieu, et un autre ensemble de lois qui mappent la population résultante (P2) à l’espace génotypique (G2) où la génétique mendélienne peut prédire la prochaine génération de génotypes, complétant ainsi le cycle. Même si les aspects non mendéliens de la génétique moléculaire sont ignorés, il s’agit d’une tâche gargantuesque. Visualiser schématiquement la transformation :
G 1 → T 1 P 1 → T 2 P 2 → T 3 G 2 → T 4 G 1′ → { {\displaystyle G_{1}\; {\stackrel{T_{1}}{\rightarrow}}\; P_{1}\; {\stackrel{T_{2}} {\rightarrow}}\; P_{2}\; {\stackrel{T_{3}} {\rightarrow}}\; G_{2} \; {\stackrel{T_{4}} {\rightarrow}} \; G_{1}’\;\rightarrow\cdots}
(adapté de Lewontin 1974, p. 12). T1 représente les lois génétiques et épigénétiques, les aspects de la biologie fonctionnelle, ou développement, qui transforment un génotype en phénotype. Il s’agit de la « carte génotype-phénotype ». T2 est la transformation due à la sélection naturelle, T3 sont des relations épigénétiques qui prédisent les génotypes en fonction des phénotypes sélectionnés et enfin T4 les règles de la génétique mendélienne.
En pratique, il existe deux corps de théorie de l’évolution qui existent en parallèle, la génétique des populations traditionnelle opérant dans l’espace génotype et la théorie biométrique utilisée en sélection végétale et animale, opérant dans l’espace phénotype. La partie manquante est la cartographie entre l’espace génotype et phénotype. Cela conduit à un « tour de passe-passe » (comme le nomme Lewontin) selon lequel les variables dans les équations d’un domaine sont considérées comme des paramètres ou des constantes, où, dans un traitement complet, elles seraient elles-mêmes transformées par le processus évolutif et seraient des fonctions des variables d’état dans l’autre domaine. Le « tour de passe-passe » suppose que la cartographie est connue. Procéder comme s’il était compris suffit d’analyser de nombreux cas d’intérêt. Par exemple, si le phénotype est presque un à un avec génotype (drépanocytose) ou si l’échelle de temps est suffisamment courte, les « constantes » peuvent être traitées comme telles; cependant, il existe également de nombreuses situations où cette hypothèse ne tient pas.